Le Président Emmanuel Macron s'est rendu en République d’Albanie les 16 et 17 mai 2025.

Dans la matinée du 17 mai, plusieurs accords ont été signés, notamment une convention de financement tripartite entre l’AFD, EDF et KESH et un protocole d'accord entre l’AFD et le Ministère albanais du Tourisme et de l’Environnement sur le tourisme durable dans la région de Korça.

Le chef de l'État a ensuite donné une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre d'Albanie, Edil Rama. 

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17 mai 2025

Conférence de presse conjointe du Président et du Premier ministre d'Albanie, Edi Rama, à Tirana.

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Emmanuel MACRON

Merci beaucoup,

Monsieur le Premier Ministre, cher Edi,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Madame l'Ambassadrice,

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames, Messieurs.

Merci Monsieur le Premier Ministre pour votre accueil très chaleureux hier, vos mots hier comme aujourd'hui, et c'est pour moi un très grand bonheur d'être à nouveau là.

Vous l'avez rappelé, après la visite de l'automne 2023, votre visite du printemps 2024, nous voici donc pour poursuivre, et plusieurs de nos ministres ont également effectué des visites de part et d'autre pour scander cet agenda qui est à un niveau d'intensité inédit, puisque je rappelle qu'avant l'automne 2024, il y avait eu 110 ans sans visite de président.

Je veux commencer ici par vous féliciter pour votre réélection et les résultats, la confiance obtenue, qui est importante pour vous, mais pour nous tous, parce que c'est aussi ce mandat qui va vous permettre de poursuivre l'agenda extrêmement ambitieux que vous menez pour le pays depuis tant d'années, et puis vous féliciter pour l'organisation du 6ème Sommet de la Communauté politique européenne et le premier sommet qui s'est tenu dans la région des Balkans.

Merci donc pour cela, pour votre accueil, mais aussi pour ce que nous continuons de faire ensemble, car, vous l'avez dit, la relation bilatérale, nous l'avons ainsi voulue, est structurée à travers plusieurs ambitions.

D'abord, tout ce que nous avons lancé à l'automne 2024 et qui prend forme. Nous avons, en effet, ensemble, décidé à ce moment-là d'une politique d'innovation et de coopération forte. J'étais heureux à vos côtés de pouvoir avoir la première promotion de l'École 42 et la signature du plan d'action par nos ministres de la stratégie Green AI albanaise, appuyé par la France qui est un des axes importants de ce partenariat.

Ce qui avait été décidé à l'automne 23 en la matière a vu le jour en ce printemps 2025, l'École 42 est une réalité, les premières promotions arrivent, et nous continuons de transformer les choses à vos côtés. De la même manière, nous avions décidé d'avancer sur le lycée français de Korça et ce projet de réouverture que vous poursuivez. Tout ce qui avait été décidé est maintenant fait. L'étude de préfiguration nous a été présentée et nous allons continuer d'accélérer. En matière de coopération universitaire, le partenariat entre l'université de Tirana et l'université technologique de Compiègne devient une réalité et avance.

Nous avons ensuite décidé en avril 2024, quand vous êtes venu, d'un cadre de référence en matière économique, et les projets prioritaires se structurent : gestion de l'eau, innovation, tourisme, agriculture, avec plusieurs acteurs français qui m'accompagnaient il y a un an et demi et qui, aujourd'hui, sont en train de déployer des projets parmi vous.

Et puis, vous l'avez rappelé, des projets culturels qui nous tiennent à cœur, la Villa 31, où nous irons tout à l'heure, et des coopérations multiples. Tout ça pour dire que nos déclarations passées devant vous, sont devenues des réalisations présentes.

Nous avons également avancé sur les sujets de défense, et c'est, là aussi, extrêmement important. Nos ministres ont signé hier des accords et partenariats très structurants, et nous allons poursuivre dans tous les domaines, capacitaires comme opérationnels, et les coopérations en termes d'exercices sont très bonnes : radar de surveillance, coopération en termes, justement, de structuration aérienne.

Au-delà de ça, nous avons décidé ensemble aujourd'hui de poursuivre et d'avoir donc davantage d'acteurs français présents dans les infrastructures, la gestion de l'eau, des déchets, d'avoir davantage de présence à vos côtés dans les projets extrêmement structurants que vous souhaitez poursuivre pour toute la région, vous l'avez dit, et je partage totalement cet agenda très pragmatique qui est le vôtre, très ambitieux, et la France sera donc à vos côtés à travers ses capacités de financement et à travers aussi ses grands opérateurs et acteurs industriels.

Enfin, l'Agence Française de Développement, vous l'avez dit, vous accompagne. Plus de 300 millions de projets ont été déployés. Qu'il s'agisse, en effet, là aussi, des projets d'urgence de l'énergie, du tourisme durable, avec pour cible la région de Korçë, berceau historique de la francophonie en Albanie, nous continuerons d'être à vos côtés et ce qui a été décidé dès l'automne 2023 se poursuit avec la même ambition.

Au-delà de cette relation bilatérale, de tous ces projets, nous souhaitons, vous l'avez compris, aller encore plus loin et plus fort. C'est évidemment la place de l'Albanie dans l'Union européenne qui nous importe. Je veux ici redire la conviction profonde exprimée lors de ma précédente visite, celle au fond de la réunification du continent européen pour faire face à nos défis communs. L'Albanie montre le chemin. Vous avez accompli des progrès considérables ces derniers mois, marqués par l'ouverture de plusieurs blocs de chapitres de négociation.

Je veux ici vous dire que, d'abord, j'ai confiance dans ce que vous allez faire, ce que vous avez obtenu ce mandat très clair, que l'avenir de l'Albanie est sur ce chemin, vers l'Union européenne, la modernisation dans tous les secteurs, les réformes ambitieuses que vous conduisez et que derrière ces réformes ou ces blocs de négociations qui peuvent paraître très techniques pour souvent nos compatriotes, il y a le chemin d'une aventure qui elle est très sensible, dont on reparlait hier soir, qui est ce chemin européen.

La France sera à vos côtés pour vous accompagner sur ces réformes mais surtout pour vous défendre et vous accompagner pour que vos mérites soient reconnus et que l'agenda soit tenu parce que vous tiendrez le vôtre et donc nous tiendrons le nôtre pour que cette perspective de 2027 ne soit pas simplement une perspective mais une réalité.

Depuis le début de mon premier mandat, et en particulier aussi ce que nous avons en 2019 restructuré avec cette stratégie française pour les Balkans occidentaux, j'ai la conviction profonde de la destinée de cette région. A cet égard, l'Albanie montre le chemin de manière remarquable.

C'est aussi pour ça que je tenais à être présent au-delà de la Communauté politique européenne pour que nous ayons ce moment bilatéral, mais pour redire ici aussi ma confiance dans les réformes que vous menez, dans le chemin que vous poursuivez, et vous redire le soutien de la France dans cette aventure européenne qui va devenir une réalité.

Merci, Monsieur le Premier ministre, pour votre accueil et merci infiniment pour l'amitié entre nos deux pays.

Journaliste

Bonjour monsieur le Premier ministre. 9 personnes de nouveau depuis la mort en Ukraine dans une attaque russe. Alors, est-ce que c'est la réponse de Vladimir Poutine à votre proposition, enfin à la proposition européenne et américaine de cessez-le-feu. Faut-il dès lors, dès à présent, engager des sanctions supplémentaires contre la Russie ? Et demandez-vous aussi au président Poutine d'agir en ce sens ?

Emmanuel MACRON

Au président Trump. Écoutez, d'abord, je veux ici redire notre soutien au peuple ukrainien à ses dirigeants après, à nouveau, les pertes des dernières heures.

Je voudrais ici vous dire que nous n'avons jamais eu de naïveté et que cela n'a jamais cessé. Les propositions de cessez-le-feu, dont je rappelle que c'est une initiative américaine, n'ont pas été respectées par le président Poutine et ses armées. Donc les choses sont simples. Nous, nous sommes aux côtés des Ukrainiens depuis le premier jour. Depuis 2014, avec des sanctions, un processus qui avait été fixé à Minsk et un format dit de Normandie où nous avons accompagné.

Depuis la guerre d'agression massive lancée en février 2022, nous sanctionnons la Russie, nous sommes aux côtés de l'Ukraine.

Un président a été élu par le peuple américain. Il est arrivé avec une ambition salutaire, faire la paix. Il a dit qu'il allait engager tout le monde pour faire la paix. C'était une déclaration importante et les États-Unis d'Amérique doivent être respectés. Le président américain a d'abord fait une proposition de cessez-le-feu en février. Nous avons alors réagi en disant que le cessez-le-feu ne serait pas suffisant, nous devons avoir une paix robuste et durable.

C'est comme ça que nous avons construit, dès le premier rendez-vous de Paris en février, puis par des rendez-vous successifs et un travail extrêmement intense avec le Premier ministre Starmer, cette coalition des volontaires.

Mais c'est une proposition américaine, le cessez-le-feu. Elle a été ensuite agréée par le président Zelensky, quoique agressé en mars 2025 à Jeddah. Depuis mars, nous attendons la réponse de la Russie. Vous avez rappelé très justement l’effet, c’est non. Puis, réengageant tout cela, encore, samedi dernier à Kiev, il y a exactement une semaine, nous étions là avec le Premier ministre Starmer, le Premier ministre Tusk, le chancelier Merz, aux côtés du président Zelensky. Nous avons rassemblé la coalition des volontaires, puis appelé ensemble le président Trump en disant : voilà, on est tous derrière le cessez-le-feu, on réengagera tous derrière une coalition des volontaires avec des garanties de sécurité.

Maintenant, il faut mettre la pression sur la Russie. Accord du président Trump. C'est une force, c'est une chance que nous soyons alignés. Là-dessus, la proposition du président Poutine a été de dire, rencontrons-nous à Istanbul. Le dimanche accord du président Zelensky. Et aujourd'hui, qu'avons-nous ? Rien.

Donc, je vous le dis, face au cynisme du président Poutine, je crois que, je suis sûr même, que le président Trump, soucieux de la crédibilité des États-Unis d'Amérique, va réagir. Parce qu'en fait, la proposition de cessez-le-feu, la proposition de rencontre à haut niveau, ce sont des propositions américaines. Elles sont importantes. Elles ne peuvent pas avoir une telle réponse. Nous, nous continuerons de vrai pour que l'Ukraine résiste et pour qu'il y ait les garanties de sécurité le jour où la paix sera signée.

Journaliste

Bonjour. Bienvenue en Albanie Monsieur le Président. La première question, c'est pour vous. L'Union européenne a montré ses inquiétudes sur l'action de la police de Kosovo au nord du pays. D'autre part, la présidente, madame Vjosa Osmani-Sadriu, dans les travaux du Sommet, a dit que l'Union européenne n'est pas toujours balancée et équilibrée. Et elle est en train d'analyser la partie qui est en train d'appliquer l'ordre constitutionnel. Qu'est-ce que vous pensez de cette critique ? Est-ce que vous pensez que l'Union européenne est en train de perdre la crédibilité dans le dialogue contre la Serbie et le Kosovo? Maintenant une question concernant vos réserves sur l'alliance militaire. Comment vous commentez le fait que l'alliance militaire, le président Trump, fait une demande pour monter le budget de la défense à sa façon , est-ce que c'est juste pour des pays comme l'Albanie d'avoir des budgets de contribution aussi élevée que les grandes puissances?

Emmanuel MACRON

Sur votre première question, la feuille de route est claire. Pour avoir passé beaucoup de temps sur le dialogue entre Belgrade et Pristina, l'Union européenne est légitime à demander qu'il y ait des avancées concrètes sur la question politique, les élections dans les communes où celles-ci n'ont pas été satisfaisantes, les questions de sécurité, le cadre d'ensemble, tout ça est connu, il n'y a rien de nouveau.

Je pense que l'exigence, ce n'est pas la perte de crédibilité. Il faut sortir, en quelque sorte, d'un face-à-face qui va simplement bloquer la situation. Je souhaite que dans les prochaines semaines, on puisse reprendre le dialogue, et avec Pristina et avec Belgrade, puisque chacun des pays ont été confrontés à des difficultés aussi politiques, sociales, pour pouvoir avancer. Je pense que c'est très important pour toute la région. Je pense que les demandes qui sont faites sont légitimes. Je pense qu'il ne faut pas laisser s'installer le fait qu'il y aurait un dialogue biaisé, parce que ce n'est pas la manière correcte d'avancer sur ce sujet.

Il y a une volonté, en tout cas, vous pouvez me faire confiance, je la porte, de pouvoir avancer, parce que je pense que pour la sécurité de notre Europe, pour son unité, il nous faut faire ce chemin. Simplement, il est légitime d'avoir des exigences quand la situation est devenue instable. Je pense que ce n'est jamais une bonne idée quand on essaie de diviser les lignes ou de mettre en doute, en quelque sorte, le processus.

Donc on va avancer avec force, on va réengager, et nous allons en particulier, aux côtés de nos partenaires européens, réengager pour que les choses puissent avancer en Serbie et au Kosovo.

Sur l'OTAN et les exigences. La France, je pense aujourd'hui, a l'armée la plus efficace d'Europe. Nous avons une armée complète sur laquelle nous avons réinvesti depuis 2017 avec deux lois de programmation militaire qui auront doublé le budget de nos armées. Nous avons une capacité de dissuasion nucléaire. Nous avons une autonomie stratégique dans tous les segments du jeu, ce qui est inédit en Europe. Et nous avons une expérience opérationnelle, là aussi inédite, sur des théâtres d'opérations du Proche-Moyen Orient à l'Afrique, et j'en passe.

Nous sommes aujourd'hui à 2,1 % du produit intérieur brut. Nous continuons d'augmenter. Nous allons augmenter. J'annoncerai dans les semaines à venir des décisions pour l'année en cours et l'année prochaine. Mais je n'ai jamais considéré que le pourcentage en produit intérieur brut était une fin en soi. Ce qui compte, c'est d'analyser les défis qui sont les nôtres et d'avoir, à côté de ça, le bon niveau d'engagement.

Ensuite, nous avons besoin, tous, de continuer à augmenter nos dépenses. Pourquoi ? Pour renforcer notre autonomie stratégique, pour renforcer ce pilier européen de l'OTAN. C'est une chance d'avoir les États-Unis d'Amérique depuis que l'OTAN existe. Elle porte environ un tiers de l'effort de défense de l'Alliance, en particulier sur son flanc Est. Mais soyons lucides, nos alliés américains de manière croissante regardent ailleurs.

Donc, ils nous demandent de prendre davantage en charge notre propre sécurité. C'est légitime. Mais donc, ça ne se chiffre pas simplement en pourcentage de produits intérieurs bruts, et ça ne doit pas se traduire simplement en achat de matériel américain, parce que ça n'aurait qu'une conséquence, accroître notre dépendance à l'industrie américaine.

Donc, il faut que nous, Européens en investissant davantage pour nous former, pour recruter pour certains pays davantage, pour nous équiper davantage, mais aussi pour construire une base industrielle et technologique de défense européenne qui renforcera vraiment notre autonomie en complémentarité et en confiance.

Je vous le dis très clairement, l'horizon des 3,5 % du produit intérieur brut est un bon horizon pour les années qui viennent. Il ne se fera pas en 6 mois et il doit se faire en ayant de la substance, de la cohérence.

Enfin, je rappellerai juste deux choses pour finir ma réponse à votre question. D'abord, c'est un pourcentage de produit intérieur brut, donc c'est un taux d'effort qui est proportionnel au PIB pour chaque pays, ce n'est pas un montant absolu. La deuxième chose, l'engagement d'une armée ne se mesure pas à l'argent dépensé, mais aux noms qui sont gravés sur nos monuments aux morts et à celles et ceux qui tombent.

Je n'aime pas ce débat entre alliés qui ne regardent que les chiffres. Je connais beaucoup de pays dans notre Europe qui ont perdu beaucoup de soldats sur des théâtres d'opérations et s'étaient engagés à côté des autres. Ils ne méritent le respect, au moins autant que ceux qui dépensent beaucoup d'argent.

Merci beaucoup.

Les deux dirigeants se sont ensuite rendus à l’ouverture du forum économique Future Investment Initiative « FII PRIORITY Europe 2025 ».

Revoir l'événement : 

17 mai 2025

Forum économique FII Priority Europe à Tirana.

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Emmanuel MACRON

Monsieur le Premier ministre, merci beaucoup pour votre hospitalité et également pour votre amitié. Nous sommes heureux d'être parmi vous. Merci d'avoir rendu cela possible. Je suis un petit peu jaloux, effectivement, que ce soit la première fois ou je regrette que ce soit la première fois qu'un tel événement européen se tienne en Albanie. Alors Edi vient de nous adresser des messages très importants, je suis d'accord, je ne vais pas les répéter. Je voudrais simplement vous dire quelques mots de notre Europe, peut-être, et puis on répondra également à votre question. Car cette époque que nous vivons est à certains égards assez chaotique. Et je pense qu'il est très important d'avoir une stratégie claire pour la France, pour l'Europe et pour cette Europe plus grande, c'est ce que nous incarnons au sein de la communauté politique européenne et puis peut-être répondre à vos questions, parle de notre voyage, si je peux le qualifier ainsi, par les relations avec les États-Unis.

Ma conviction pour l'Europe dans ce contexte est qu'il nous faut saisir cette opportunité pour accélérer et avoir une stratégie claire de compétitivité. Les investissements sont la toute première priorité pour nous permettre de devenir véritablement une puissance. Nous avons besoin de beaucoup accélérer, la compétitivité est absolument essentielle. Mario Draghi a rédigé un rapport exceptionnel. Nous indiquons clairement la marche à suivre, mais cette compétitivité doit tout d'abord se poser sur la simplification. Nous devons rationaliser notre réglementation afin de nous resynchroniser avec le reste du monde. C'est l'une de nos premières priorités. La Commission a entrepris un certain nombre de choses. Peut-être de façon encore un peu timide, mais il faut absolument nous aligner, en particulier avec le chancelier Merz. Et nous avons partagé un papier, il y a quelques jours, au terme duquel nous nous sommes engagés, ensemble, à rationaliser les deux réglementations, précisément pour nous synchroniser. Un certain nombre de choses doivent être, non seulement revues, mais même écartées de la table.

Deuxièmement, le renforcement du marché unique. Nous avons certes 27 réglementations différentes. C'est trop compliqué pour de nombreux acteurs dans le marché européen. Et de fait, le marché de l'Union européenne représente 450 millions d'habitants. Pour autant, il n’est pas perçu comme tel et pas traité comme tel par les entrepreneurs. Donc, le renforcement du marché unique, c'est de faire profiter au mieux des impôts que nous levons. Et il ne faut pas nous imposer des tarifs douaniers. Deuxièmement, le marché unique doit s'appliquer à 3 domaines essentiels : les télécoms, l'énergie et la finance qui, initialement, ne faisaient pas partie du marché unique. Il nous faut, en conséquence, créer un marché unique dans ces 3 domaines. C'est la meilleure façon d'intégrer nos modèles, de disposer de plus grandes capacités d'investissement et de le déployer en tant que véritable place financière. Alors, l’union des marchés de capitaux en fait partie, et c'est l'une de nos priorités essentielles et clairement dans le domaine de forte convergence entre l'Allemagne et la France, parce que nous sommes absolument convaincus que nous avons, et ça, c'est en plus du fait que nous sous-utilisons notre propre marché unique, mais nous ne tirons pas le meilleur parti non plus de l'épargne européenne. Si on se compare à la Chine, les États-Unis, l'Europe a beaucoup plus d'épargne. Le problème, néanmoins, c'est que cette épargne est entre les mains d’institutions qui sont trop réglementées. Et la beauté du continent depuis 15 ans, en quelque sorte, c’est qu’à la suite de la crise financière, nous avons décidé ensemble finalement de trop réglementer les institutions financières en Europe. Et ça, c’est le résultat clair des 15 dernières années. Nous avons appliqué Bâle, nous avons appliqué les règles sur les faillites. L'essentiel, de ce fait, l'essentiel de l'épargne, va vers les banques et les compagnies d'assurance. Or, nous avons, ce faisant, bloqué l'investissement en faveur du capital et des investissements. Et c'est la principale explication de la différence de croissance entre les États-Unis et l'Europe. Donc, il nous faut, non seulement, simplification, renforcement du marché unique, et accélération, mais il nous faut également créer cette union de marché de capitaux, cela veut dire qu’il nous faut resynchroniser notre réglementation avec celle des États-Unis sur les banques et les compagnies d'assurance, il nous faut clairement également nous assurer que notre épargne soit utilisée à bon escient, au bon endroit et dans les bons secteurs. C'est absolument essentiel. Pour moi, c'est vraiment la top priorité de l'Union européenne et c'est une question de vitesse, à quel rythme sommes-nous en mesure d'y parvenir et à une échelle suffisante.

Ensuite, il faut que l'Europe investisse en technologie verte, intelligence artificielle et sécurité. Ce sont trois domaines qui vont requérir beaucoup plus d'investissements du secteur privé. C'est pour ça qu'il nous faut redessiner notre budget, on a besoin de plus encore de financement commun, déployer également plus de capacités en provenance du secteur privé dans ces domaines.

Troisième point, lorsque j'ai parlé de l'Europe qui doit devenir une puissance en la matière, des deux précédents points, nous sommes à l'heure de vérité. Et Edi nous l'a dit, et cette intuition de la politique que Donald Trump peut être non seulement bonne pour les États-Unis, mais d'une certaine façon également pour l’Europe, eh bien j'en suis convaincu, parce que je pense que ça peut ouvrir la voie vers l’autonomie stratégique de l'Europe. Il ne s'agit pas de tactique, mais je crois qu'il nous faut choisir nos partenariats et réduire notre dépendance.

À l'époque de la covid, ensuite, depuis le début de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, la crise énergétique, nous avons vu quel était le prix à payer de notre dépendance. Et la question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir si nous pouvons devenir une puissance économique et financière, une puissance en matière d’IA, de technologie verte et être en mesure de nous protéger nous-mêmes. Voilà quelles sont les questions posées aux Européens. Et la réponse doit être : oui, absolument. Mais c'est une nouvelle phase du voyage européen. Tout d'abord, nous mutualisons les éléments clés. Nous avons d'abord mutualisé l'acier et le charbon pour éviter un nouveau conflit en Europe. Deuxièmement, nous avons créé dans les années 80 un marché. Eh bien, maintenant, il nous faut créer une puissance géopolitique. Et voilà quel est notre progrès. Je souhaitais simplement ajouter un point sur la communauté politique européenne et l'importance de l'Albanie dans ce contexte. Je suis convaincu qu'au-delà de l'Union européenne, nous avons cette plus grande Europe, avec la Norvège, le Royaume-Uni, les Balkans occidentaux et l'Ukraine. La réalité de l'Europe, c'est que c'est un lieu qui représente 650-700-750 millions d'habitants qui ne sont pas pris en compte ni d'un point de vue géopolitique, ni en termes financiers, ni en termes économiques. Alors intégrons mieux cette région. Qu'il s'agisse d'énergie, de migration, de commerce, de défense, travaillons ensemble, coordonnons-nous. Si nous créons cette zone avec des pays très stables, sans guerre, sans déstabilisation, et si nous intégrons mieux cette région, au-delà et en plus de l'élargissement de l'Union européenne, je suis, comme vous le savez, tout à fait favorable à l'entrée de votre pays dans l'Union européenne. Mais au-delà des 27 actuels, nous avons cette capacité, avec 750 millions d'habitants, de faire en sorte que cette Europe soit respectée par les autres. Et c'est une opportunité unique, d'où l'importance de la CPE. Je ne vais pas regarder la parole plus longtemps. Je vais rester maintenant pour répondre à vos questions.

Intervenant

La première question, puisque j'ai le privilège d'être sur la scène avec vous. Vous allez organiser le sommet à Paris. Pourquoi je devrais choisir la France et l'Europe pour investir, et plus spécialement la France ? Merci.

Emmanuel MACRON

Merci d'avoir bien voulu me poser cette question sur Choose France. Je vois la présence aussi de personnes clés, de grands investisseurs. Vous voyez, il y a 8 ans, nous avons mis en œuvre un grand programme de réformes : réformes du droit du travail, imposition des plus-values, impôts sur les sociétés, etc. Donc, nous avons ajouté toutes ces réformes afin que la France soit un lieu plus propice aux investissements et pour accroître notre compétitivité, notre attractivité. Nous avons vu les résultats et nous avons, nous connaissons comme dernier le classement par EY. Nous sommes premiers dans tous les classements d'attractivité en Europe depuis 6 ans. Donc c'est cohérent. Les résultats sont là. Nous avons créé plus de 2,2 millions d'emplois dans le pays. Nous avons réduit le taux de chômage. Nous avons commencé à réindustrialiser nos économies. Nous sommes numéro 1 en termes de création de startups. Nous sommes également numéro 1 en termes d’intelligence artificielle. Donc, en termes de macroéconomie, nous avons des résultats.Q

Deuxièmement, j'ai pris une décision politique l'année dernière. Je veux que, d'ici la fin de mon mandat, toutes les forces économiques travaillent ensemble et apprennent. Car nous connaissons le prix de l'instabilité. Donc, pour moi, l'obsession, désormais, c'est la stabilité de cette compétitivité et de cette attractivité.

Troisièmement, nous avons de bonnes qualifications. Nous sommes très bien placés en Europe à ce titre. Nous avons monté nos investissements dans l'éducation supérieure, la recherche. Toutes les compétences dont nous avons besoin en matière de l'IA, nous sommes numéro 1, de loin, en Europe. Et autrefois, les talents partaient pour les États-Unis. Maintenant, nous les gardons. Sauf pour ceux qui partent pour l'Albanie, bien sûr, Edi, et d'autant que... On a eu l'ouverture de cet actif incroyable qu'est l'École 42 à Tirana. Troisièmement, l'énergie. Ne sous-estimez pas le fait qu'en France, vous avez un pays où vous avez une énergie bas-carbone à un prix compétitif qui peut être piloté. Nous sommes les seuls à l'heure actuelle. Nous l'avons déjà décarboné grâce à notre mixte qui est à hauteur de 75 % nucléaire. Nous avons ajouté en plus, non seulement des énergies renouvelables, mais nous développons plus encore de l'énergie nucléaire. Et donc, grâce à ces programmes, nous sommes extrêmement compétitifs en termes de coûts de l'énergie. Et puis, l’année dernière, pour vous donner un exemple, nous avons exporté 90 TWh. Cela veut dire que l'énergie est totalement décarbonée en France, sans pour autant que nous ayons pris aucun risque sur l'énergie disponible pour les ménages. Donc, pour toutes ces raisons, un bon paquet macroéconomique, ce moment de stabilisation et de visibilité, les talents, l'énergie, je pourrais, bien entendu, y ajouter des infrastructures fortes et un bon système d'enseignement et de santé. Eh bien, pour toutes ces raisons, la France est un pays très attractif. Alors, il nous faut pour autant obtenir des résultats. Et, comme je l'ai dit, simplification, compétitivité. Et si nous combinons le tout, nous serons véritablement une destination de tout premiers choix pour les investissements.

Intervenant

Merci beaucoup, Monsieur le Président. C’était très rafraîchissant de vous écouter. J'ai entendu la phrase que le siècle passé, c'était le siècle de la démocratie et celui-ci, c'est le siècle des superpuissances. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

Emmanuel MACRON

Tout d'abord, si vous considérez que les superpuissances ne peuvent pas être des démocraties, tel est bien le dilemme. Je pense que nous sommes clairement à une époque de déstabilisation de l'ordre international. Il est clair que si vous regardez le siècle passé, je ne suis pas certain que c'était un siècle de démocratie, mais en tout cas, durant la deuxième partie du XXème siècle, il y a eu une constante expansion de démocratie. Et je pense probablement qu'il y a eu une trop grande naïveté et que l'on a pensé que c'était une expansion naturelle, spontanée des démocraties, en particulier à compter des années 90. Maintenant, nous avons commencé à entrer dans une nouvelle époque et les démocraties sont menacées. Nous avons des raisons internes et externes au demeurant de les savoir menacer. Je pense qu'il y a tout d'abord une crise d'efficacité des démocraties elles-mêmes, car elles sont devenues trop lentes, probablement trop compliquées, et je ne vais pas entrer trop dans les détails, mais nous avons tous vécu le fait qu'il nous faut réaccélérer, changer nos démocraties, être à disposition de nos populations et non pas mettre en place trop de régulations. Donc, il faut un équilibre du risque et la paralysie.

Le problème, dirais-je, on sait que si nous sur-réagissons, eh bien, nous risquons de détruire tous les mécanismes de contre-pouvoirs et détruire tout cela. Alors moi, je suis très en faveur des contre-pouvoirs, mais je ne pense pas non plus que nous puissions avoir un pays sans réglementation et sans contre-pouvoir, mais il nous faut véritablement un équilibre dans notre pays. Donc c'est bon à long terme, mais il nous faut rendre nos démocraties et nos pays beaucoup plus efficaces. Deuxièmement, il y a eu, je pense, que nous avons vu des modèles nouveaux avec un leadership à long terme. On voit ce qu'a fait la Chine. On a vu les pays du Golfe, leur succès. Et donc aujourd'hui, nous sommes un petit peu dans un environnement qui nous défie. Et la question que nous posent de nombreux pays est : êtes-vous sûrs que les démocraties soient le bienvenu ? Troisièmement, il y a cet effondrement de l'ordre international du fait qu'il y a un manque d'efficacité de l'ordre international, l'OMC, résultat, nous avons vu les tarifs douaniers arriver. Pour être honnête, je préfère notre bonne vieille OMC, mais encore faut-il qu'elle soit efficace. Ensuite, les questions de paix, de guerre, et effectivement, le risque avec ces superpuissances est celui-ci. Et à la fin de la journée, finalement, il nous faut prévenir tout risque. Ce sera un désastre. Il nous faut recréer un ordre international, défendre un ordre international qui ne soit pas anodin et défendre nos démocraties. Il ne faut pas un ordre international dans lequel on aurait partout des tarifs douaniers, la loi du plus fort imposée aux autres. C'est la raison pour laquelle, dans une telle situation, il nous faut renforcer, faire en sorte que notre Europe soit beaucoup plus indépendante, beaucoup plus forte, d'où l'importance de l'agenda d'autonomie stratégique au sens plus large, car c'est nous qui sommes en mesure de reprendre le contrôle de notre agenda, de notre programme. Et ensuite, nous avons besoin d'une très forte coordination entre l'Europe et les États-Unis. Troisièmement, il nous faut refonder l'ordre international avec des discussions sur les devises, le commerce, la sécurité. Il faut impliquer tous les États-Unis, le Golfe, la Chine, l'Inde, les BRICS. Et il faut véritablement que tous ces sujets soient à l'ordre du jour des discussions entre le G7 et les BRICS.

Intervenant

Je suis allé en Arabie saoudite il y a deux ans et demi, et j'étais impressionné par la rapidité des changements. À la fin de l'année, nous allons construire une installation de 10 milliards de gigabytes qui est l'égale de toute l'énergie de l'Espagne. C'est une très bonne opportunité pour construire un pont énergétique entre l'Arabie saoudite et l'Europe. Et je pense que ce serait moins cher de ne produire que l'hydrogène et le gaz en Europe. Vous l'avez déjà mentionné. Quelle est votre suggestion pour accélérer, on parle de compagnie, on parle au network du Gouvernement. Comment on peut mettre tous ensemble pour accélérer ce plan ?

Emmanuel MACRON

Merci, je ne veux pas être trop technique, mais en Europe, nous pouvons faire beaucoup plus dans ce domaine, si nous simplifions également. C'est typiquement un domaine dans lequel, si en Europe, on simplifie la capacité de production, en étant probablement beaucoup plus réalistes sur les moyens, et si nous intégrons mieux et que nous créons un réseau européen, nous pouvons faire beaucoup mieux en termes d'énergie et d’efficacité. Deuxièmement, je suis toujours prudent quand il s'agit du modèle d'hydrogène vert. Je sais que produire bas-carbone localement, par exemple, en Arabie saoudite, et puis ensuite de diffuser grâce à des câbles, on connaît bien cette technologie. Mais quand on regarde la matrice, c'est que je suis sûr qu'il y a de grands experts, beaucoup plus que ceux que je suis ici. Transporter l'hydrogène vert, je crois que c'est le plus compliqué. Il y a des questions d'électrolyse, etc. Le produit, légalement, c'est une chose, mais (inaudible) c’est une autre. Nous avons un très grand projet lancé avec l’Inde, l'Arabie saoudite, l'Europe et les États-Unis. C'est le projet IMEC, le Corridor. Et l'idée est précisément d'avoir toutes ces infrastructures, ces connexions, d'encadrer tout cela. Et comme vous le voyez, bien sûr, c'est une espèce d'alternative pacifique et amicale à une autre route, si je puis dire. Et il s'agit d'aller de l'Inde à la mer Méditerranée. Le rail, la route, l'énergie, le commerce, etc. Et manifestement, vous êtes le maillon central au milieu. Nous avons beaucoup de financements. Nous avons le projet européen de Global Gateway. La Banque mondiale qui participe au projet. Gérard Mestrallet représente la France dans le contexte de ce projet IMEC, le Corridor. Nous avons tout l'argent qu'il faut et nous pouvons mettre en œuvre des projets extrêmement concrets. J'étais avec le Premier ministre Modi à Marseille, notamment. Nous avons revu tous les projets susceptibles d'être mis en œuvre entre l'Inde, l'Arabie saoudite, tout le chemin jusqu'à Marseille. C'est incroyable. Et bien sûr, l'Albanie est sur le chemin. Donc, il nous faut véritablement nous concentrer sur la base de ce projet au sein du G7, avec les bons talents, les bons outils, la Banque mondiale, le financement UE, et tous les financements des différents gouvernements sociétaux qui participent. Mais j'y crois beaucoup.

Animateur

Monsieur le Président, je vous remercie beaucoup d'être venu et d'avoir répondu à ces questions. Je sais que votre temps est très limité.

Emmanuel MACRON

Merci beaucoup de votre attention. Merci à Richard, à Cécilia, merci Edi, merci à tous. Je vais simplement dire en quelques mots qu’il est formidable de vous avoir dans l’Europe. Je sais que vous tous ici venez de différents horizons, mais l’Albanie est un lieu stable, fiable. Et dans ce monde, ne sous-estimez pas la force de telles qualités. Et je suis très heureux que vous soyez là au-delà des blagues que nous échangeons avec le premier ministre Edi Rama. Car ici, en Albanie, vous êtes le point d'entrée de cette région des Balkans occidentaux, mais bien plus également. Et c'est un lieu essentiel entre l'Europe et la Méditerranée. Je ne peux que vous encourager à poursuivre. Vous avez un dirigeant très efficace. Je ne le dis pas parce qu'il est mon ami, mais parce qu'il a montré les résultats. Et dans les années à venir, il a un mandat clair, l'adhésion se fera à l'Union européenne. Et je voudrais que vous sachiez, que vous soyez certains que nous, les Européens, obtiendrons des résultats. L'alliance est très forte entre la France et l'Allemagne. Nous travaillerons ensemble pour mettre en œuvre cet agenda que j'ai décrié. Donc, investissez en Europe, croyez en l'Europe, car nous avons besoin de votre confiance, de vos investissements afin de mettre en œuvre ce programme très ambitieux. Je pense que c'est le bon, pas uniquement pour les Européens, mais pour toutes les autres régions pour créer plus de stabilité. Merci beaucoup.

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